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Poésie

Posts Tagged ‘se noyer’

Sa dernière lettre à Dieu (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




Illustration: Otto Dix
    
Sa dernière lettre à Dieu

Le sol tombe…
De l’autre côté du sang
Un cheval n’a pas échappé à sa solitude… Le sol tombe
Un homme aux mains d’oiseaux
Bien plus seul qu’une étoile
Jette des pierres dans le ciel

La neige est noire
Le cheval s’est noyé
Sur les charniers
Un homme écrit une dernière lettre à Dieu : Elle commence comme ça :
“À toi le Silencieux ! À toi le grand Aveugle !
Et elle se finit par ASSEZ, ÇA SUFFIT ! “.

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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LA PIERRE PÉRIPHRASE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: René Magritte
    
LA PIERRE PÉRIPHRASE

Parle.
Dis quelque chose, n’importe quoi.
Mais ne reste pas là comme une absence en acier.
Choisis ne serait-ce qu’un mot,
qui te liera plus étroitement
à l’indéfini.
Dis :
«en vain »,
arbre »,
«nu».
Dis :
« on verra »,
impondérable »,
poids ».
Il y a tant de mots qui rêvent
d’une vie brève, sans liens, avec ta voix.

Parle.
Nous avons tant de mer devant nous.
Là où nous finissons
la mer commence.
Dis quelque chose.
Dis «vague », qui ne tient pas debout.
Dis « barque », qui coule
quand trop chargée d’intentions.
Dis «instant»,
qui crie à l’aide car il se noie,
ne le sauve pas,
dis
«rien entendu».

Parle.
Les mots se détestent les uns les autres,
ils se font concurrence :
quand l’un d’entre eux t’enferme,
un autre te libère.
Tire un mot hors de la nuit
au hasard.
Une nuit entière au hasard.
Ne dis pas « entière »,
dis « infime »,
qui te laisse fuir.
Infime
sensation,
tristesse
entière
qui m’appartient.
Nuit entière.

Parle.
Dis «étoile», qui s’éteint.
Un mot ne réduit pas le silence.
Dis «pierre »,
mot incassable.
Comme ça, simplement
pour mettre un titre
à cette balade en bord de mer.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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ENTREVUE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2024



    

ENTREVUE

La neige est drue et forte,
Il neige sur les toits.
Je sors devant la porte.
Devant moi je te vois.

Dans un manteau d’automne,
Sans chapeau, sans sabots,
Tu trembles, tu t’étonnes,
Mâchant des flocons d’eau.

Les arbres, les clôtures
Se noient dans le brouillard.
Seule, au coin du mur,
Tu te tiens à l’écart.

De ton fichu l’eau glisse
Lentement jusqu’aux gants,
Et sur tes cheveux lisses
L’eau scintille en tremblant.

Et une blonde mèche
Eclaire ton fichu,
Ta figure si fraîche,
Ton petit pardessus.

Sur tes cils fond la neige,
Tes yeux sont attristés.
Ton visage, pensé-je,
D’un seul bloc est sculpté.

Ton visage en épure
Comme par de l’airain
Marqué de noircissure
En mon coeur est empreint.

Il garde en souvenance
La douceur de ces traits,
Aussi quelle importance
Si le monde est mal fait ?

Aussi la nuit de neige
Paraît scindée en deux ;
Des frontières n’osé-je
Tracer entre nous deux.

Mais qui donc sommes-nous
Quand il ne restera
De ces temps que ragots
Et de nous que les cendres ?

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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L’infinité du moi (Sri Aurobindo)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
L’infinité du moi

Je suis devenu ce que j’étais avant le Temps.
Une secrète caresse a calmé mes sens et ma pensée :
toutes les choses créées par le Mental passent
dans une vide et muette splendeur.

Ma vie est un silence étreint par des mains hors-du-temps ;
le monde se noie dans un regard immortel.
Dépouillé de ses voiles, mon esprit se dresse ;
je suis seul avec mon propre moi pour espace.

Mon coeur est un centre de l’infinité,
mon corps un point dans la vaste étendue de l’âme.
Sous moi s’éveille l’abîme énorme de tout l’être,
jadis masqué par une gigantesque Ignorance.

Immensité pure et nue délivrée de l’instant,
je m’étends dans une omniprésence éternelle.

(Sri Aurobindo)

 

Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust

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L’APPEL AMER D’UN SANGLOT (Joyce Mansour)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2024



Joyce Mansour
    
L’APPEL AMER D’UN SANGLOT

L’appel amer d’un sanglot
Venez femmes aux seins fébriles
Écouter en silence le cri de la vipère
Et sonder avec moi le bas brouillard roux
Qui enfle soudain la voix de l’ami
La rivière est fraîche autour de son corps
Sa chemise flotte blanche comme la fin d’un discours
Dans l’air substantiel avare de coquillages
Inclinez-vous filles intempestives
Abandonnez vos pensées à capuchon
Vos sottes mouillures vos bottines rapides
Un remous s’est produit dans la végétation
Et l’homme s’est noyé dans la liqueur

(Joyce Mansour)

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Solitude (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




    
Solitude

Les portes saignent qui nous séparent
Les heures sont des piliers de cendre
Le froid mord entre les chemins
Où tu n’es pas

Les ailes ont pris le poids des tombes
Pour se noyer avec mes mots
Dans les marais d’ennui

Je suis l’aride servante
De ce retour
Qui ne sera pas.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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JE SUIS LA VOIX QUI CHANTE (Erik-Axel Karlfeldt)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2023




    
JE SUIS LA VOIX QUI CHANTE

Je suis la voix qui chante sur les plaines désertes,
Où nulle oreille n’entend, où nul écho ne répond.
Je suis une torche errante sur le lac des nuits sans lune,
Un feu capricieux, qui s’éteint dans la nuit chez ma mère.

Je suis la feuille qui erre au vaste royaume d’automne,
Ma vie est un jeu qu’accompagne le choeur de tous les vents.
Si je demeure sur la montagne, si je me noie dans le fossé,
Je n’en sais rien, je n’y peux rien, cela m’est bien égal.

(Erik-Axel Karlfeldt)

Recueil: Poèmes
Editions: Rombaldi

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CHEVEUX (Edward Stachura)

Posted by arbrealettres sur 26 juillet 2023



 

Edvard Munch-239966 [1280x768]

CHEVEUX

La rivière coule
entre les yeux des poissons
comme un arc-en-ciel
ou la coupure ouverte d’un couteau

Sur la surface flottent
des grands cœurs de baobabs
des roues de chariots
et les lourds candélabres
des bois des cerfs noyés

Mes larmes
comme des éclats de porcelaine chinoise
s’y noient lentement en virevoltant

(Edward Stachura)

Illustration: Edvard Munch

 

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L’hippopotame (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2023




    
L’hippopotame

J’ai de l’hippopotame à peu près la rondeur,
Mais je ne vais dans l’eau que par inadvertance.
Je suis devenu sage et je crains les voyeurs,
Alors je m’engloutis sous les herbes et je pense.

L’hippopotame est doux mais son cuir est trop dur,
Son oeil est trop petit, sa narine est trop large.
Quand on est ainsi fait, le monde n’est pas sûr,
La seule solution est de survivre en marge.

Pourtant l’hippopotame est un bel animal,
Un peu mou, je sais bien, mais il est sympathique,
Il a peur des humains… et ça, c’est bien normal.
Un jour, je m’en irai me noyer en Afrique.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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L’attente angoissante ! (Nathalie Clifford Barney)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023



Illustration: Jeanne Fonseca
    
L’attente
Angoissante!
Cette chute du coeur en profondeur,
Qui retombe d’une telle hauteur…
Ah ! encor cette mort déçue, en sueur,
Tout ce que l’on devine
En tremblant, s’imagine
Aux minuits, aux matines
De ce Noël sans Dieu !
Nous étions deux
— Oui, deux, car chacun seul.

Ah ! lorsqu’elle viendra.
— Si jamais elle revient! —
Si bien rentrer au fond de ses yeux, de son âme,
Si bien devenir cette femme
Que jamais plus je n’attendrai
Sans la trouver.
Pouvoir me noyer, m’effacer
Jusqu’à la ressemblance sans cercles, En elle,
Et qu’elle m’emporte comme une chose morte
Vers les seuils de toutes les autres portes.
Laquelle s’est refermée sur elle?

J’attends.

(Nathalie Clifford Barney)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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